dimanche 10 avril 2016

Bernard Lavilliers - Salomé



Quand Salomé dort
Elle est protégée par la lemanja
Quand Salomé rêve
On dirait qu'elle entend des bossas–novas

Ses yeux de sable noyés de terre de sienne
Et de berceuse vénitiennes
Ses yeux de sable volcanique
Ses yeux de fado nostalgique

Quand Salomé chante
Elle a l'aisance d'une Habanera
Quand Salomé pense
On dirait qu'elle ne reviendra pas

Du pays où courent les gazèles
Les animaux de l'autre bord
Ses yeux de nuit – mais que voit–elle
Ses yeux de nuit – mais d'où vient–elle

D'où vient–elle
D'où vient–elle

Quand Salomé sort
Je ne demande jamais où elle va
Quand Salomé rentre
Elle dit que je n'existe pas

Des guerriers la suivent en silence
Des hommes venus de l'autre bord
Grands, immobiles et à distance
Grand et débuts jusqu'à la mort

D'où vient–elle
D'où vient–elle

Salomé danse – Salomé danse
Salomé – Salomé – Salomé – Salomé danse

D'où vient–elle
D'où vient–elle



Au cinquante-six, sept, huit, peu importe
De la rue X, si vous frappez à la porte
D'abord un coup, puis trois autres, on vous laisse entrer
Seul et parfois même accompagné.

Une servante, sans vous dire un mot, vous précède
Des escaliers, des couloirs sans fin se succèdent
Décorés de bronzes baroques, d'anges dorés,
D'aphrodites et de Salomés.

S'il est libre, dites que vous voulez le quarante-quatre
C'est la chambre qu'ils appellent ici de Cléopâtre
Dont les colonnes du lit de style rococo
Sont des nègres portant des flambeaux.

Entre ces esclaves nus taillés dans l'ébène
Qui seront les témoins muets de cette scène
Tandis que là-haut un miroir nous réfléchit,
Lentement j'enlace Melody